Vous connaissez peut être cette citation de Nicolas Boileau « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Cette phrase est aussi vraie dans le domaine qui nous concerne si on s’amuse à remplacer la dernière partie par « et les lignes pour le dessiner arrivent aisément ».
Dans un de mes premiers articles, je vous avais donné des exercices pour améliorer votre capacité à tracer des traits. Même si l’observation d’un sujet est la phase la plus importante en dessin, il est primordial d’avoir de l’assurance dans le tracé puisque des courbes posées sans hésitations sur le papier permettent de faire jaillir dynamisme et expressivité dans un sujet. Si vous ne vous êtes pas encore demandé comment donner du dynamisme à vos lignes, voici un article d’introduction à cette notion.
Quels traits utilisez-vous pour dessiner ?
Je connais 4 types de traits possibles que l’on peut utiliser lorsque l’on dessine :
Le trait gras
C’est un trait épais et régulier qui demande de la maîtrise puisqu’il s’agit de tracer au bon endroit, du premier coup, dans la bonne inclinaison. Voyez comment Matisse utilise ce trait en prenant soin de bien aérer son sujet.
Le trait brisé
Le trait brisé est utilisé pour dessiner par réajustement. Il est moins précis et les superpositions donnent un léger effet de flou comme vous pouvez le voir dans ce dessin de Cézanne.
Évidemment le choix du crayon pour dessiner joue un rôle dans l’apparence finale de l’oeuvre.
le trait pur
Le trait pur ou « trait d’Ingres » est très incisif et précis pour créer des volumes. Il est couramment utilisé par le célèbre artiste peintre.
Le trait perdu et trouvé
J’aime beaucoup son nom que je trouve poétique. Ce trait consiste à tracer les formes en variant la pression du crayon sur le papier, ce qui donne de légères variations de tons sur la même ligne. On peut observer son lyrisme dans les dessins de Giacometti.
Vous voyez que les traits ne servent pas seulement à délimiter les volumes, ils peuvent transmettre une énergie au dessin. Quelque que soit le trait que vous utilisez, voici ce que vous devez avoir en tête pour le rendre plus dynamique.
Vous trouverez d’autres de ces conseils pour rendre les croquis dynamiques dans les cours de dessin que je dispose sur internet.
Ensuite est-ce que vous donnez du mouvement à vos traits ?
Le trait est au dessinateur ce que les phrases sont à l’écrivain. Il faut à ce premier un vocabulaire riche pour que l’idée projetée dans son dessin soit claire.
Voici deux notions à prendre en compte lorsque vous tracez des lignes.
La direction d’un trait est importante. Visuellement, on peut ressentir l’intention et l’intensité du tracé.
Plus la direction de la ligne sera claire et sans ambigüité, plus elle aura de force. Contrairement à des zigzag par exemple qui sont beaucoup plus brouillons et floues. Évidemment je ne condamne pas les zigzag qui ont une forme de beauté graphique, je fais uniquement un constat par rapport aux notions qui nous intéressent mais il se dégage une assurance plus marquée d’un trait unique.
Du mouvement dépend la circulation de la force dans le trait
« Aussi importante que soit la ligne, n’oubliez pas que le dessin ne se résume pas à cela. Le dessin est avant tout une somme d’idées. Une ligne n’est que la transcription de ces idées. » Mickeal D.Mattesi
Plus une ligne est droite, plus elle évoque la vitesse. La force du trait suit sa direction.
Au contraire, plus elle est courbe, plus on a la sensation qu’une force s’exerce sur elle et la pousse vers l’extérieur.
Cela vaut autant pour le trait que dans la position générale d’un corps humain.
Regardez comment Klimt applique parfaitement ce que je viens de vous dire. Voyez comment la courbure (accentuée) de la silhouette donne du rythme au croquis.
Vous pouvez apprendre progressivement les bases du dessin de contour et les propriétés des lignes avec des méthodes simples comme dessiner avec le cerveau droit par exemple.
Alors que dans un dessin où les lignes droites prédominent comme dans celui de Degas (ci-dessous), on a plus l’impression de vitesse qui se dégage du modèle. Cela parce que dans cette pose il y a relativement peu de courbes qui freinent la course du regard.
J’espère que cet article vous a appris des choses et que vous êtes en mesure de mieux apprécier la richesse des croquis que vous verrez. 🙂
Si vous souhaitez mettre en pratique ces nouvelles connaissances, je vous invite à lire cet article : savez vous dompter vos traits ?
Sources :
http://cddel.artblog.fr/2/
Michael D.Mattesi, Force, ed : Pearson
wikimedia pour les croquis d’artistes
Très intéressant cet article ! Je n’avais jamais remarqué la différence entre une droite et une courbe, ça va m’aider pour mes futurs productions ;D
Salut Jean Yves,
C’est vrai qu’Egon Schiele aussi utilise le trait perdu et retrouvé. J’ai voulu le mettre en exemple mais sur les dessins que j’ai de lui, ce n’est pas assez voyant. À première vue on a l’impression d’un trait gras. Ses variations sont très subtiles et je ne voulais pas qu’il y ait d’ambiguïté.
C’est très intéressant d’analyser comme tu le fait les différents traits de ces dessins, on y retrouve aussi la personnalité de l’artiste.
Tu as raison de préciser que le trait ne sert pas qu’à préciser les formes mais qu’il donne la force et l’expression au dessin.
Dans le trait ‘perdu et retrouvé’ avec Giacometti, je pense aussi à Egon Schiele et aux expressionnistes !
Merci pour ta précision Valérie 🙂
Très intéressant, je ne connaissais pas tous les noms donnés à ces différentes lignes.
Pour les épatants dessins d’Ingres il s’avèrerait que ses lignes étaient extrêmement nettes et précises car il utilisait la camera obscura, il n’y avait donc pas de reprises ni d’hésitations visibles.