août 13

Le dessin est une tarte au fromage espagnole

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Combien de personnes ont l’ouverture d’esprit nécessaire pour se dire “et si j’apprenais une nouvelle activité”? Sur ces personnes, combien se disent “je vais me donner les moyens de réussir et être régulier dans mes efforts”? Je dirai à ce petit groupe (déjà “bravo”!), “en plus de votre motivation avez-vous les autres qualités d’un bon débutant en dessin”? Maintenant tout le monde sait que le dessin n’est pas un “don mystérieux” attribué à certains élus, par contre si savoir dessiner s’obtient par le travail et une méthode adaptée, il y aura peu de gens qui sauront comment mettre la main à la pâte. Un article un peu plus théorique que les précédents qui pourra aider les personnes voulant se lancer dans le dessin à adopter le bon état d’esprit.   C'est parti pour quelques éléments essentiels pour commencer et progresser en dessin.  

Discipline

Vous vous êtes inscrit dans un atelier pour prendre des cours de dessin ? Bien! Mais rappelez vous que le professeur est le professeur et que ce qu’il dit n’est pas pour meubler son cours avec de belles paroles. Ses exercices sont destinés à être fait. Ça peut sembler étrange de rappeler ce genre de choses mais j’ai vu des élèves âgés qui n’en faisait qu’à leur tête et dessinaient des fleurs au moment où le professeur voulait un nu… :/ Donc au cas où…  

Concentration

Ce n’est qu’en portant entièrement notre attention sur sa feuille et son crayon (et son modèle si il y en a un) que l’on peut arriver à un niveau de concentration qui est proche de l’état méditatif tel que l’entend Krisnamurti. C’est-à-dire une méditation qui arrive par l’observation des choses et non en fermant les yeux. Observer les détails jusqu’à ne plus les voir, jusqu’au moment où on a le sentiment de les observer pour la première fois. Concrètement la concentration permet de décortiquer les objets en les observant, de mieux mémoriser ses traits et de le retranscrire fidèlement sur la feuille. Mais elle permet aussi de se ménager un espace pour se retrouver avec soi-même.  

Aimer sa propre compagnie

De nombreuses fois j’ai entendu dire “je n’aime pas être seul”, “je sors pour éviter de rester entre quatre murs et me changer les idées”, “j’ai besoin de toujours être occupé”…  Ces personnes se coupent d’elles-même et auront du mal à apprendre le dessin. Je connais des gens qui supportent la solitude très bien, qui apprécient de n’avoir d’attention que pour eux-mêmes (j’en fait parti) et ceux-là sont beaucoup moins stressés que la majorité. Pourquoi? Parce qu’ils prennent le temps de s’observer, de réfléchir à leurs projets, de savoir ce qu’ils veulent, la direction qu’ils veulent prendre et ce qu’ils ne veulent pas, font le point sur leur vie ou tirent des plans sur la comète tout simplement. Même si dans les ateliers il y a d’autres élèves, le plus souvent la concentration dont je parlais au début ne pourra être atteinte que lorsque l’on se retrouve seul. A part pour quelques collaborations (rares) je n’ai jamais dessiné à plusieurs sur une même feuille. La plupart du temps vous serez seul pour dessiner, donc il vaut mieux être à l’aise avec soi-même.  

Savoir faire taire sa petite voix

On la connait tous, elle est intransigeante, dure, directe, et ne change pas d’avis rapidement. C’est notre voix auto-critique, celle qui nous dit qu’on a fait de la merde à un moment donné et qui nous met sous le nez nos soi-disant “imperfections”. Il y aura des choses à redire dans les premières réalisations de ceux qui auront choisi de se lancer dans cette belle aventure qui est celle de l’art. Je ne dis pas que l’auto-critique ne sert qu’à se dévaloriser, bien entendu qu’il est primordial de pouvoir voir qu’il y a un problème quand il y en a un. Le souci c’est que si cette voix prend trop ses aises, elle se permettra d’exagérer tous les petits défauts rencontrés. Opposez à votre auto-critique une foi inébranlable, celle de votre progression, ça lui fera de la compagnie.  

Et la tarte au fromage alors?

J’en arrive au passage qui explique le titre délibérément énigmatique de cet article. Pour ça je vais vous faire regarder par la fenêtre de ma vie ce qui s’y passe. Il y a peu de temps je suis allé à Barcelone et par hasard j’y ai mangé une tarte au fromage espagnole (“tarta de queso” mais ne m’en demandez pas plus, je ne parle pas espagnol du tout :D). Elle était tellement bonne que j’ai décidé d’apprendre à la faire pour la manger quand je le voudrais en France. La préparation est très facile et pourtant à chaque cuisson au four, la tarte devenait systématiquement plate… Au final elle ressemblait d’avantage à une crêpe pour tout dire. Une fois pourtant, j’ai involontairement laissé le thermostat à moins de 200° (alors qu’il fallait 200° dans la recette). Résultat ma tarte a été cuite moins vite, la texture était claire et avait une consistance encore meilleure que celles que j’avais mangé à Barcelone.   En cuisine comme en dessin, il faut avoir de la patience mais ce que je veux dire aussi c’est qu’il faut savoir alterner activité et “inactivité” et qu’il faut laisser du temps pour que les choses se fassent. Parfois laisser aller les évènements peu être plus profitable que de travailler comme un acharné, donc de vouloir agir sur tout. Je trouve ça quand même fort à notre époque (où on a prouvé depuis longtemps que c’est lorsqu’une personne dort que son cerveau travaille le plus) qu’on juge encore que quelqu’un ne fait rien simplement parce qu’elle ne s’agite pas. Tout comme le gâteau au fromage dont la cuisson est douce et dont l’évolution est difficile à jauger en surface, l’apprentissage du dessin sera meilleure si vous laissez le temps à votre cerveau de s’habituer aux nouvelles façons d’observer, de décortiquer les choses. Après un peu d’expérience, le cerveau fera tout ça sans que vous en ayez conscience. Bref ce n’est pas parce que vous ne dessinez pas que vous ne travaillez pas votre dessin.   Beaucoup de gens n’ont pas de patience, sont trop critiques vis à vis de tout ce qu’ils ne connaissent pas, remettent en question les faits plutôt qu’eux-mêmes, ne cherchent pas à comprendre le point de vue d’un tiers, ont un égo tellement important qu’ils s’offensent à la moindre des suggestions (je ne parle même pas “d’ordres” mais de “suggestions”). Tout cela freine l’apprentissage dans n’importe quel domaine, je ne saurais donner de meilleurs conseils que de ne pas chercher à cultiver ces tendances. Par ailleurs, je précise que dans cet article j’ai dressé le portrait du débutant idéal. C’est à dire que c’est une sorte de débutant parfait, je considère qu’avoir toutes ces qualités, en toutes circonstances et en une même personne est difficile, voir impossible et qu’il est important de s’en rappeler. Pour en savoir plus sur les techniques pour croquer et portraiturer, vous pouvez recevoir le pack du dessinateur débutant qui contient plusieurs fiches sur ce sujet en cliquant sur l'image ci-dessous. (Je vous laisse réagir à cet article dans les commentaires, même si c’est pour me demander la recette de la tarte au fromage espagnole ;))   Photographie de Sara Maternini

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belle, débutant, dessin, état d'esprit, photo


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